Introduction
L’amylose à transthyrétine ou « amylose ATTR » est une maladie de dépôt dans laquelle des protéines dont la structure est instable se replient d’une manière anormale et s’agrègent pour former des fibrilles amyloïdes dérivées d’une protéine de transport, la transthyrétine.(1)
Il existe différents phénotypes d’amylose à transthyrétine :
- Les amyloses dites « héréditaires » peuvent se manifester avec des neuropathies et un phénotype « Neurologiques » (ATTR-PN), des cardiomyopathies et un phénotype « Cardiaques » (ATTR-CM) et enfin des phénotypes « Mixtes » qui se manifesteront par une neuropathie et une cardiomyopathie. Le phénotype pourra varier en fonction de la mutation.
- Dans le cas des amyloses dites « sauvages » on retrouvera majoritairement des phénotypes cardiaques (ATTR-CMwt). (2,3)
L’amylose à transthyrétine héréditaire
L’origine de l’amylose à transthyrétine héréditaire est liée à une mutation provoquant la déstabilisation de la protéine de transthyrétine, entrainant une mauvaise conformation du tétramère et une réorganisation en fibrilles amyloïdes. Ces mutations rares héréditaires sont dites autosomiques dominantes.
Le risque qu’un parent atteint transmette cette mutation à ses enfants est donc de 50%, sa pénétrance est dite incomplète. Cette pénétrance est variable selon plusieurs facteurs tels que l’origine géographique, l’âge d’apparition de symptômes dans la famille ou encore de l’âge du porteur asymptomatique.(4,5)
Les amyloses héréditaires sont rares avec, en Europe, une incidence estimée à moins de 1 cas pour 100 000 habitants ; parmi celles-ci, l’ATTR-PN est la plus fréquente. Les estimations de la prévalence mondiale de l’ATTR-PN s’échelonnent entre environ 1/100 000 et 1 sur 1 million d’habitants selon la région, avec une forte concentration de la mutation la plus courante, V30M, dans les pays endémiques que sont le Portugal, la Suède et le Japon. La plus grande proportion de personnes souffrant de l’ATTR-PN provoquée par la mutation V30M se trouve dans le nord du Portugal avec une incidence estimée à 1 personne sur 538.
Il existe une grande variabilité dans l’âge d’apparition de l’ATTR-PN avec une apparition des symptômes pouvant survenir en général entre 20 et 70 ans. En cas d’apparition tardive, l’évolution de la maladie peut entraîner une progression plus rapide qu’en cas d’apparition précoce.(6-8)
L’amylose à transthyrétine sauvage
L’amylose à transthyrétine sauvage (ATTRwt), est caractérisée elle par une déstabilisation spontanée de la transthyrétine qui se dissocie en protéines mal conformées, formant ainsi les fibrilles amyloïdes se déposant principalement dans le coeur. Malgré la présence de dépôts amyloïdes partout dans le corps, les symptômes extra cardiaques sont rares.(3,4)
L’ATTRwt est une maladie de la sénescence puisque les dépôts intracardiaques toucheraient un quart des patients de plus de 80 ans et plus de 50 % des plus de 90 ans dans les séries autopsiques.
L’amylose sauvage est plus fréquente chez les sujets âgés et touche principalement les hommes caucasiens de 65 ans ou plus. La moyenne d’âge est de 76,4 ans au diagnostic (registre THAOS). La prévalence selon la population européenne standard de l’ATTR de type sauvage chez les plus de 75 ans a été estimée dans une étude espagnole de 2018 à 2,59% (4,15% pour les hommes et 1,03% pour les femmes). Ces résultats seraient plus importants encore chez les hommes de plus de 85 ans avec une prévalence estimée à 1/10.(2,9-11,15)
Des dépôts amyloïdes ont été retrouvés chez 25% des patients de plus de 85 ans autopsiés au sein d’une cohorte finlandaise. C’est également le cas au sein d’une cohorte italienne où 43% des patients de plus de 75 ans autopsiés présentaient des dépôts amyloïdes (50% à chaines légères et 50% à transthyrétine). On retrouvait ces dépôts en particulier chez les patients avec une insuffisance cardiaque, une hypertrophie du ventricule gauche et une fibrillation atriale. On estime donc qu’une partie plus élevée que ce qui était précédemment estimé de la population pourrait être concernée par les amyloses ATTR de type sauvage.(12,13)
Bien que l’amylose AL ait longtemps été la forme plus fréquente des amyloses cardiaques, la prévalence des formes ATTR a été sous-estimée. En effet, les amyloses héréditaires pourraient représenter à elles seules plus de 5 % des cardiopathies hypertrophiques. De plus, de récentes études rapportent que les amyloses cardiaques ATTR représenteraient 8% des cardiopathies hypertrophiques, 13% des insuffisances cardiaques à fraction d’éjection préservée et 16% à 22% des sténoses aortiques.(14)
L’étude ePACT se basant sur une analyse du SDNS a permis d’estimer le nombre d’amylose à transthyrétine à phénotype cardiaque en France diagnostiquée entre 2011 à 2017 à 4815 patients.(14)
Ce qu’il faut retenir
Il existe différents types d’amylose à transthyrétine(2,3) :
- L'amylose à transthyrétine héréditaire (ATTRh) dont les manifestations cliniques varient en fonction de la mutation :
- Cardiomyopathie (ATTR-CM)
- Neuropathie (ATTR-PN)
- Mixtes, cardiomyopathie et neuropathie
- L'amylose à transthyrétine sauvage (ATTRwt) que se manifeste principalement par une cardiomyopathie (ATTR-CM)
L’amylose à transthyrétine est une maladie complexe, évolutive et menaçant le pronostic vital dont le diagnostic ne doit pas être retardé.
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